04/08/11

O objectivo social limitado da visão multicultural.


 Junto uma contribuição ao debate sobre o multiculturalismo. Tema que dá pano para mangas…Trata-se de um texto da revista norte-americana Race Traitor, (Nova Iorque, 1992-1996), publicado em francês no número 8 da revista Oiseau-tempête, (Paris, 1997-2006). Os animadores de RT foram influenciados pelas ideias de C.L.R James. Este ensaísta esteve na origem de uma importante ruptura no movimento trotsquista norte-americano, caracterisando, en 1945, a URSS como um capitalismo de Estado, à semelhança da revista francesa Socialisme ou Barbarie. Noël Ignatiev, um dos redactors de RT, é o autor de How the Irish became White, (Routledge, N.Y). RT  defende que, nos Estados-Unidos, a solução da questão social passa pela « abolição da raça branca », isto é, pela abolição de uma relação social que fundamenta os privilégios de « pele branca. É esta abolição que implicará necessariamente a supressão de todas as « raças », enquanto categorias sociais. Sendo a « raça negra » uma resposta defensiva à opressão branca, ela desaparecerá com o desaparecimento desta opressão. Para RT, as diversas formas de anti-racismo focam a sua acção sobre os racistas e não sobre o racismo ; implicitamente, e muitas vezes inconscientemente,  reconhecem e legitimisam o conceito biológico de raça.   


La croyance multiculturelle et la reproduction des distinctions de races.

— Dis, papa, on est quoi ?
— Comment ça ?
— Ben, oui… d'où est-ce qu'on vient ? On est italiens, irlandais, juifs… enfin tu vois, quoi.
— Eh, bien, nous sommes d'ici ; nous sommes américains.
— Papa ! Qu'est-ce que je vais dire, à l'école ?

Plus d'une fois, ma fille de neuf ans et moi avons eu cette discussion. Je crois comprendre son insatisfaction. Après tout, pendant la plus grande partie de ma scolarisation au collège et au lycée, je savais ce que j'étais : catholique et irlandais. Mais, indéniablement, plus catholique qu'irlandais. Mes sœurs et moi faisons encore cette plaisanterie : la raison pour laquelle nous allions dans une école religieuse et non dans une école publique, c'est que seuls les enfants “publics” allaient à l'école publique. Nous n'avions pas la moindre idée de ce à quoi pouvaient ressembler ces écoles “publiques” ; mais nous savions qu'elles n'étaient pas catholiques. Etre catholique voulait dire se lever deux heures plus tôt les jours d'école et aller à la messe tous les jours des semaines durant ; cela voulait dire devenir enfant de chœur et rêver du pouvoir sacré incarné par le prêtre ; cela voulait dire envisager sérieusement de devenir prêtre jusqu'à la fin du collège.

Etre catholique voulait dire avoir vraiment peur quand on allait à confesse le samedi — même si le pire que nous ayons pu faire était sans conséquence.

Etre irlandais n'était pas une préocupation  quotidienne. Etre irlandais voulait dire regarder le défilé de la Saint-Patrick à la télévision ; cela voulait dire participer au spectacle annuel de l'école où tous les enfants s'habillaient en vert ; cela voulait dire, pour mes sœurs, prendre des leçons de danse où elles apprenaient des gigues et des quadrilles (mais arrêtaient de les danser assez vite, heureusement). Etre irlandais voulait dire aller une ou deux fois à Rocckaway pendant les vacances d'été et y apprendre qu'un vieil ami de la famille avait un de ces boulots de gardien d'école qui lui permettait d'être presque riche. Apparemment, les écoles “publiques” avaient au moins une chose de bonne.

Plus tard, quand je quittai Brooklyn pour partir loin dans le Bronx, à l'université, j'avais envie de rentrer sous terre chaque fois que l'on disait de quelqu'un que c'était un “BIC”, Bronx ou Brooklyn Irish Catholic  [catholique irlandais du Bronx ou de Brooklyn] selon le cas. Ils entendaient par là quelqu'un de timoré sexuellement mais de hardi avec la bouteille. La plupart des gens à qui l'on collait cette étiquette en souffraient mais, au fil du temps, j'en entendis plus d'un tirer gloire de cette qualification. Ma fille, malgré sa consternation de constater que nous n'étions rien qui pût lui être utile à l'école, n'aurait pas su quoi faire de l'appellation “BIC”.

Une fois que j'eus cessé d'être catholique, ce ne fut pas long avant que, plus ou moins sans m'en rendre compte, je cesse de me sentir irlandais. Abandonner mon côté catholique avait été dur ; le côté irlandais ne fut qu'un détail. (Ne plus s'identifier à la condition d'être Blanc vint bien plus tard.)

Revenons au début de cet article. Ma fille veut vraiment savoir “Qui a été le premier être humain ?” et “D'où il venait ?”. Contrairement à ses questions sur les origines de l'espèce humaine, ses questions sur son identité sociale viennent rarement de son propre désir de savoir ou de comprendre.

Elles viennent de son l'école, une école qui s'engage explicitement à dispenser un enseignement multiculturel à un ensemble d'élèves varié. Elles font généralement partie de la mission d'un enseignant s'efforçant de découvrir, avec les enfants, les diverses racines des gamins de la classe. On pointe sur des cartes les lieux d'origine de la famille, une ou deux générations plus tôt ; on bâtit des arbres généalogiques ; on rédige des biographies. Quelle objection pourrais-je avoir contre cela ?

Pourtant j'en ai une. Au début de l'année, en apprenant que ma fille allait étudier l'immigration, j'ai dit à sa maîtresse, une femme que je connais depuis des années, que je n'aimais pas ce thème, qu'il déformait les réalités essentielles de l'Amérique et qu'il désavantageait profondément les élèves noirs de la classe. Un trop grand nombre de ces enfants n'auraient aucune histoire de souffrances et de réussite de l'immigrant à partager avec leurs camarades de classe. L'institutrice fut, à mon avis, sincèrement surprise par mes objections. Elle me rappela que traditionnellement l'école célébrait le Mois de l'histoire noire en étudiant des sujets liés à la lutte des Noirs pour la liberté. Cette réponse me laissa insatisfait. Je me permis de lui suggérer que le thème de “Mouvement” lui permettrait d'explorer certains des mêmes sujets sans avoir les mêmes problèmes. À mon agréable surprise, le thème fut finalement rectifié de manière à inclure la migration forcée parallèlement à l'immigration.

[...] Trop souvent, l'éducation multiculturelle encouragée dans les écoles américaines repose sur une notion superficielle de la culture. A mon sens, Ralph W. Nicholas a vu juste quand il a écrit que la culture “renvoie à toutes les habitudes, tous les modèles et toutes les façons de penser qu'acquièrent les êtres humains en héritage extra-génétique”. (C'est moi qui souligne.) Etant donné la volonté d'étudier des cultures multiples à travers le prisme de leur origine continentale ou nationale, il me semble qu'on encourage beaucoup d'écoliers et d'étudiants à comprendre la culture comme un héritage génétique. La notion d'immigration est, au fond, un des moyens les plus répandus et évidents de décrire et de comprendre la diversité du peuple américain. Elle permet aux maîtres et aux élèves d'apprécier la difficulté qu'il y a à s'adapter à de nouvelles façons de faire. En revanche, comme moyen de comprendre l'Amérique, elle est profondément viciée.

En mettent l'accent sur l'immigration comme catégorie centrale de l'étude historique de l'Amérique, l'on débouche généralement sur l'idée d'“arriver” comme catégorie économique et de la petite entreprise comme institution économique centrale.

A New York, les enfants vont dans les boutiques et les restaurants du quartier et interviewent les commerçants — pourquoi sont-il venus s'installer là ? Ont-ils dû travailler dur ? Quelle est cette nourriture ? Ils longent des murs couverts de graffiti ; ils croisent des adolescents avec les pantalons qui leurs dégringolent sur les chaussures ; ils passent le long de cours d'écoles où l'on joue au basket-ball. Mais on ne leur demande pas d'interviewer les adolescents en question, afin d'essayer de comprendre pourquoi.
En avril dernier, je me suis rendu à San Francisco pour la première fois. Sur la route qui venait de l'aéroport, la première chose que je remarquai ce fut l'écriture stylisée des tags sur les pilliers des ponts. Comment les mômes de San Francisco avaient-ils appris des mômes de New York à écrire leurs tags de la même façon ? Ou bien étaient-ce les mômes de New York qui imitaient ceux de San Francisco ? À moins que les uns et les autres n'aient appris des mômes de Chicago ? Tout simplement, la culture ne se réduit pas à la choucroute des Allemands, les lasagnes des Italiens et les bagels des Juifs. Elle se reflète bien plus dans le basket-ball (joué d'une certaine manière), les habits (portés d'une certaine façon) et les paroles de chansons (chantées sur un certain rythme). Avec le modèle multiculturel dominant, les cultures qu'on encourage les enfants à apprécier sont, ou seront, marginales dans le monde où ils vivront comme adultes.

Le monde est fait non pas de la nostalgie des coutumes de pays lointains mais d'événements et de personnalités proches. Et la culture qui a fait de l'Amérique ce qu'elle est et ce qu'elle pourrait être n'est pas une accumulation de contributions plus ou moins égales apportées par divers groupes d'immigrants en tant que tels.

Tous ceux qui ont vécu ici et tous ceux qui y vivent font partie de ce que nous sommes et de ce que nous pourrions devenir. Mais, nous devons savoir clairement ce que nous sommes et ce que nous voulons devenir. Les pratiques caractéristiques de l'enseignement multiculturel, tel qu'il apparaît dans les manuels scolaires californiens et dans les travaux de ma fille sur l'immigration, laissent croire que nous avons accompli plus que nous ne pensons et qu'il reste moins à faire que nous ne le croyons. L'enseignement multiculturel tend à  négliger l'importance de l'oppression actuelle ou, s'il reconnaît son existence, il tend à la présenter comme une oppression sans oppresseurs. Je peux me tromper. Il se peut en effet  que dans certaines situations d'enseignement multiculturel, on encourage les élèves à examiner non seulement les difficultés endurées par les immigrants européens mais aussi leur volonté relative de devenir blancs en Amérique. D'où mon idée que l'enseignement multiculturel est un projet de défaite.

Ceux qui sont à l'avant-garde des efforts visant à multiculturaliser les programmes sont, trop souvent, les produits intellectuels et personnels du sursaut des années 60. Mais ils ont abandonné l'espoir dans le désir utopique des années 60 et l'ont remplacé par l'équivalent social, politique et éducatif de l'assistanat dirigé. Or, plus que tout le reste, ce sont les luttes des Noirs des années 50 et 60 qui donnèrent à ce désir utopique son expression initiale. Et il imprima profondément les esprits et les cœurs des Blancs. Il y eut une époque où des milliers de foyers blancs furent secoués par des débats entre enfants et parents sur la question raciale. Mais, à mon avis, ce n'est guère le cas aujourd'hui. L'abandon de la lutte pour l'égalité raciale a été nourri par l'idée que ceux que l'on considère comme blancs sont finalement incapables de se joindre sans équivoque au combat pour la libération des Noirs et pour leur propre liberté.

C'est la lutte pour l'égalité raciale qui fut l'élément déterminant dans les événements, petits et grands, des années 60. J'ai moi-même joué un rôle trop infime dans les batailles de cette époque pour que cela mérite seulement une note en bas de page. Mais je suis heureux de l'avoir fait. Ce ne fut pas toujours facile de discuter quand personne ne semblait avoir le même point de vue. Ce n'était pas toujours facile quand des gens de ma famille me rappelaient l'époque où l'on pouvait lire : “Nous ne recrutons aucun Irlandais.” — comme si la veille encore ils avaient subi une discrimination parce qu'ils étaient irlandais. Je suis heureux de n'avoir pas accordé alors beaucoup de valeur à leur qualité d'Irlandais parce que, pour moi, elle me semblait alors et, pour l'essentiel, me semble encore aujourd'hui, inséparable de leur blancheur.

La vision multiculturaliste a un but social limité : les gens devraient apprendre à vivre et à laisser vivre. Mais ce que les tenants de la croyance multiculturelle négligent souvent, c'est qu'en Amérique le “vivre et laisser vivre” repose sur une complicité permanente avec la reproduction des distinctions de races. Tant que ces distinctions demeureront intactes, il est peu probable que l'enseignement multiculturel modifie sensiblement le refus persistant de milliers de jeunes Noirs de participer à l'école avec enthousiasme. Et il est peu probable que l'enseignement multiculturel contribue beaucoup à modifier les idées reçues des Blancs, quelle que soit la région du globe d'où ils viennent, eux ou leurs ancêtres.

John Garvey

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